Un blog de plus dans la blogosphère, nèologisme du net. Je le définirais par : Bazar virtuel, caverne d'Ali Baba, carnet de bord de tout citoyen qui publie ses idées, ses envies, ses coups de coeur et ses coups de gueules. Ici vous trouverez un peu tout ça, mais surtout des histoires de livres. C'est futile, inutile, donc indispensable. Bon surf.
jeudi 27 janvier 2011
Les âmes grises de Philippe Claudel.
Philippe Claudel n'évoquait pour moi rien de précis. La sonorité de ce nom évoquait aussi bien un administrateur de biens, professionnel et consciencieux, qu'un commercial froid, assez anodin, drapé dans une certaine rigidité n'enlevant rien à sa compétence.
Quelqu'un que l'on croise tous les jours au coin de la rue.
Allez savoir pourquoi certains patronymes évoquent de si troublantes pensées!
Donc, cet écrivain ne me disait rien. Je pouvais vaguement le rapprocher de part la sonorité à Camille Claudel, Paul Claudel c'est à dire à rien de précis.
Et puis ces Ames Grises, tient donc, quel titre!
Cela me fait penser au titre de cet album de JJG " Entre gris clair et gris foncé".
La couvertue de l'édition livre de poche attire mon regard, cette jeune fille fantomatique au milieu d'une forêt en hiver a tout me plaire.
Je consulte la quatrième de couverture et découvre que ce livre a reçu le prix des lectrices du magazine Elle.
Aille, ouille est ce vraiment interessant? N'est ce pas un de ces romans à la Marc Levy ?
J'ai soudain une répulsion, une envie de reposer le livre sur l'étal.
Je m'obstine, je lis que Marielle et Villeret ont interprété deux protagonistes dans une adaptation du livre .
Est ce possible que ces deux immenses acteurs aient bien voulu jouer dans un navet ?
Banco j'achète.
Cela ne tient à rien parfois la lecture d'un livre, la découverte d'un auteur.
Laissant mes préjugés aux vestiaires de ma conscience, j'attaque la lecture.
Oui, j'attaque toujours une lecture, bien décidé à en découdre avec les mots, l'auteur, l'histoire et savoir si cet ensemble sera capable de me faire rendre les armes, de me faire signer l'armistice et de me faire trinquer à la concorde.
Donc, j'attaque la lecture.
Tout de suite je suis pris par le rythme, emballé par ce qui semble être une sombre histoire d'êtres humains en désérrance.
Il n'y a pas que les âmes qui soient grises, il y aussi la région envellopée de nuages, cernée par les canonades, meurtrie par la vision de ces gueules cassées.
Le village semble aussi terne que ceux traversés de nos jours par ces convois de camions qui grisent les murs des habitations. Ce village V. traverse bon an mal an ces années de guerres et vit dans ces murs une guerre intérieure, intestine.
Belle de jour, une jeune fille, est retrouvée morte.
Ce fait divers au milieu de la tourmente va alimenter le récit et permettre de mieux connaître les protagonistes de ce village.
Le procureur, le juge, le restaurateur, le maire, l'insitutrice et le policier.
Cette société est dépeinte avec beaucoup de talent par Claudel. L'arrogance froide du juge, la déférence du procureur qui regarde les autres comme des fientes, l'ingénuité de l'institutrice et la pleutrerie du maire. Il n'y a que Belle de Jour qui incarne la pureté "Elle ressemble à une Sainte Vierge", elle n'aura pas sa place au milieu de ces notables déchus. Elle sera étouffée, comme on étouffe les secrets les plus lourds.
C'est dans une société engourdie, empétrée dans ses rapports de classe et de culture qu'évolue le récit
Chacun danse une valse morbide. Car ici chacun cherche et cache son mort. Ceux d'avant, ceux de maintenant et ceux de demain.
Chacun semble pris en otage par des fantômes.
Certaines scènes sont décrites avec énormément de talent, comment ne pas relire celle où figure ce soldat, entravé au marronier de la cour de la mairie, grelottant de froid, dévêtu de sa ses habits et de sa dignité sous le fronton orné de la devise républicaine et sous les regards cruels du juge et du colonel.
On étouffe beaucoup dans ce livre, on se pend, on meurt en silence.
Les scènes de repas sont pantagrueliques.
Et puis les noms, la rivière la Guerlante ( Guerre lente), Destinat le procureur, Lyse l'institutrice, la Barbe, le Grave.jusqu'au nom du village V. Comme celui de l'hypothétique victoire qui l'on croyait acquise dès le début sans éffort et sans morts.
Une athmosphère tapisse ce livre, une humidité, une odeur d'humus, de froid qui pénétre jusqu'aux os.
A la lecture je me disais il aurait pu appeler son livre" les Ames Pourries", ce qui est moins joli que les "Ames Grises" j'en conviens. Car ces âmes sont pourries me disais-je. Et au fil d'une page, Claudel évoque ces âmes pourries qu'il décrit, ainsi nous nous sommes rejoint.
Ce fut une réel plaisir que de me plonger dans cet ouvrage qui m'a révélé un auteur inconnu. Je relirai sans doute d'autres livres de Claudel.
Je ne formulerai qu'un seul reproche, c'est une certaine forme de consensus dans l'écriture, comme si les formules étaient étudiées pour plaire au lectorat quoiqu'il en coûte.
Jamais je n'ai senti le fil du rasoir sur ma gorge, jamais je n'ai senti le précipice sous mes pieds.
J'ignore où se situe ce livre dans la chronologie de l'auteur, certainement a t-il conquit son lectorat et peut-il se permettre plus d'audace, plus de risques.
En tout cas, je ne fais qu'apporter mon humble avis au concert de louanges qui entoure les Ames Grises et confirme à mon goût qu'il s'agit d'un excellent moment de lecture et certainement un bon film.
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