Présentation de l'éditeur :
La concierge toussota avant de frapper, articula en regardant le catalogue de la Belle-Jardinière qu'elle tenait à la main :
" C'est une lettre pour vous, monsieur Hire. "
Et elle serra son châle sur sa poitrine. On bougea derrière la porte brune. C'était tantôt à gauche, tantôt à droite, tantôt des pas, tantôt un froissement mou de tissu ou un heurt de faïences, et les yeux gris de la concierge semblaient, à travers le panneau, suivre à la piste le bruit invisible. Celui-ci se rapprocha enfin. La clef tourna. Un rectangle de lumière apparut, une tapisserie à fleurs jaunes, le marbre d'un lavabo. Un homme tendit la main, mais la concierge ne le vit pas, ou le vit mal, en tout cas n'y prit garde parce que son regard fureteur s'était accroché à un autre objet : une serviette imbibée de sang dont le rouge sombre tranchait sur le froid du marbre...
Mon avis :
S'engager dans une lecture de Simenon n'était pas anodin pour moi. J'ai déjà eu une expérience avec cet auteur et n'en fut pas ravi. Il s'agissait à l'époque de " Pietr le Letton". Je n'avais pas été enthousiasmé par ce titre et je n'en conserve d'ailleurs aucun souvenir précis.
J'ai toujours à l'idée de ne pas m'arrêter sur une seule opinion qui au grè de l'époque, de l'humeur peut changer.
J'ai donc acquis un deuxième Simenon.
Difficile devant l'étal de s'orienter vers quelque chose de précis, à moins de fureter sur le net et d'y lire des avis qui peuvent orienter le choix.
Que non, j'ai pris au hasard " Les fiançailles de Monsieur Hire"
L'avantage des livres de Simenon c'est qu'ils ne sont pas épais et que l'ennui peut vite être une histoire ancienne.
Entamant ma lecture sans arrière pensée, quelle ne fut pas ma surprise d'être d'entrée de jeu happé par le style de l'auteur.
Cette ambiance froide, humide de la banlieue des années 30, faite de ces ouvriers, concierge, servante, loufiat et petit peuple travaillant à Paris constitue la trame du livre.
Très vite le récit se centralise sur ce M. Hire, petit bonhomme replet et malhabile, aux habitudes maniaques, serviles et routinières.
Simenon nous relate son existence, morne, déprimante et sans interêt.
Puis petit à petit vient s'agréger les éléments qui vont comme une tempête bousculés la vie monotone de M. Hire.
Les personnages vont prendre de l'épaisseur, vont s'installer dans leurs rôles.
Et cette question, qui a sauvagement assassiné cette femme dans ce terrain vague ?
La concierge soupçoneuse qui s'acoquine avec la police va orienter l'enquête sur cet étrange M. Hire.
Petit à petit les révélations vont donner un autre visage à cet homme placide. C'est un reprit de justice, ce n'est pas une oie blanche, il est juif.
A ce propos le bref interrogatoire mené par le commissaire est sublime de concision et d'éfficacité. En quelques lignes Simenon parvient à retranscrire l'éffondrement moral de notre petit bonhomme venu pourtant avec les meilleures intentions du monde.
Il y a Alice, la servante voluptueuse et coquine un brin exhibitionniste qui se révélera une véritable peste.
Simenon dépeint formidablement la destinée d'un homme englué. Englué dans l'atavisme que les autres lui jettent à la figure, emprisonné dans les fils de son existence qu'il ne parvient pas à trancher. Au contraire il s'empêtre, il se condamne en croyant s'affranchir et courir vers le bonheur.
Simenon relate cette vie des petites gens, leurs mauvais côtés, leurs tares, tout cela dans un climat gris, humide et peu reluisant.
C'est superbe, c'est talentueux, c'est de la grande littérature populaire.
Certains évoquent pour Simenon de la littérature de gare haut de gamme.
Et si c'était cela la littérature, avec peu de mots, piqué au vif et conter une histoire avec talent.
Vous l'aurez compris, ce livre m'a largement réconcilié avec l'auteur et d'autres ne manqueront pas de venir grossir ma liste à lire.
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