Comment prendre au sérieux un homme qui veut vous rencontrer et qui à chaque fois se débine, qui finalement, prenant son courage à deux mains s'invite chez vous et vous annonce la mine déconfite qu'il veut tuer sa femme et l'amant d'icelle ?
Maigret,plein de bonhommie et de placidité, prend le temps. Le temps d'écouter, de comprendre et de mener une enquête sur ce client du samedi.
Gérant d'une PE de peinture Rue Tholozè. Affûblé d' un bec de lièvre, l'homme est couard, timide et pour couronner le tout, éperdument amoureux de sa femme, qui elle le trompe.
Diminué, affaibli et rendu servile par cet amour sans issue, le peintre n'a qu'une idée en tête, abréger les souffrances.
Mais il y a Isabelle, leur enfant, enfin il y a toujours un pretexte pour ne pas faire les choses. Et l'homme se réfugie dans l'alcool, il écume les bars de Montmartre, ce qui nous vaut une belle excursion dans le Paris d'antan, de celui de Mac Orlan.
Jusqu'au jour où le peintre disparait, suicide, fuite en avant, assassinat ?
Maigret va, sans bruit, sans fureur, dénouer habilement l'écheveau de ce qui n'est qu'un banal fait divers.
Simenon est un sacré peintre des sentiments humains, il parvient avec trois mots et deux phrases a planter un décor iirisé de sentiments vils ou nobles selon les personnages.
C'est un énorme talent que de faire ce qu'il parvient à réaliser.
Son commissaire et d'une dignité et d'une humanité qui donne la berlue où à notre époque chaque polar est alourdi par des litres d'hémoglobine et de cadavres.
Maigret est un poids lourd de la PJ qui donne envie de continuer l'aventure, de l'accompagner, je suis vraiment charmé par ce policier qui ne juge pas, qui sent et qui donne de sa personnepour faire avancer l'affaire. Bref, je viens de me faire un nouveau copain et vous voulez que je vous dise, c'est un gars bien.
Les déboires ancillaires de Célestine.
C'est par le petit bout de la lorgnette que nous emmène Mirbeau, pour visiter les lieux intimes des grands de ce monde.
La cicérone, Célestine, nous prend par les mirettes et nous cède la place pour regarder par le trou de la serrure et coller l'oreille aux murs.
C'est fort déplaisant le récit de ces nobles désargentés, ces parvenus radins, ces maîtres en rut toujours prêt pour culbuter une soubrette et faire valoir le droit de cuissage.
Les mesquineries de la haute, les coups bas, enfin tout ce qui fait l'humanité, qu'elle soit riche ou pauvre.
D'ailleurs Célestine est loin d'être une sainte, compatissante aux ardeurs des maîtres, cachotière, espiègle, presque libre dirai-je.
Le style est un peu lourd et il faut parfois relancer la lecture pour continuer a lire les aventures de Célestine qui sont toujours un peu les mêmes.
Mirbeau dresse un portrait sans acide de cette armée de laborieux qui s'activent en coulisse, toujours grinçants envers leurs maîtres, toujours prêts eux aussi a grapiller, à faire la nique et au final essayer de s'en sortir coûte que coûte.
Difficile de ne pas penser que ce livre n'a pas pris une ride en 100 ans, dans les grandes maisons cela n' a pas dû changer beaucoup, ne parlons de ces femmes de chambre qui restent dans l'ombre, pour une qui a été éblouie par les feux des médias, s'y est sans doute brûler les ailes, vrai-faux semblants de cette vie en coulisse qui à sa part dans l'histoire des familles.
" Et c'est juste, remarquez bien...que deviendrait la société si un domestique pouvait avoir raison d'un maître ? Il n'y aurait plus de société mademoiselle... ce serait l'anarchie "
" Les grandes dames, disait William, c'est comme les sauces des meilleures cuisines, ilne faut pas voir comment ça se fabrique "
C'est l'histoire de trois loustics qui pêchent sur les bords de Marne, qui sinue aux confins de la banlieue qui était encore ouvrière avant d'être un ghetto.
Leur refuge est ' le bistrot du pauvre " ils s'y abreuvent de pinard et font comme tous les ivrognes, ils dégoisent et refont le monde à longueur de journée.
Ca c'est la façade, le vernis du livre, derrière il y a une critique de la société de consommation, de la destinée des hommes face au travail aliénant les consciences, le petit confort bourgeois, les relations avec les femmes et surtout le vin.
Quand Debedeux se fait débaucher par les pieds nickelés reste un bon moment de lecture, le retour à la nature au travers du voyage en DS en Lozère reste merveilleux et jubilatoire.
Fallet avec cette histoire semble nous dire que les hommes seront toujours ce qu'ils sont, et que pour quitter le troupeau il faut briser le lien de la routine sociale ( métro, boulot, dodo) et ne pas avoir peur d'assumer une vie différente, qui reste cependant tributrice et débitrice de ceux qui bossent, eh oui l'argent ne tombe pas du ciel.
Il y a de belles tirades sur l'amitié autour d'un verre de Beaujolais et d'un saucisson sec.
Le livre écrit en 1975 pourrait rebuter certains lecteurs, la vision de l'an 2000 vaut son litrage de vinasse et ne tombe pas toujours loin de ce qui fait notre quotidien.
Tavernier, une tournée.
Emile Gaboriau, il faut lui rendre cet hommage, est de l'avis de tous, le père du roman policier moderne.
Pair du genre, il a inspiré Agatha Christie, Gaston Leroux et surtout Conan Doyle himself.
L'affaire Lerouge se situe sous le second empire, l'histoire d'une " Veuve " retrouvée assassinée dans une bicoque de Bougival.
A partir de cet événement, Gaboriau va développer une galerie de personnages hauts en couleur servie par un style littéraire jubilatoire.
Le père Tabaret, apprenti détective à l'intuition aussi affûtée que celle des plus fins limiers de la police, Noël Gerdy l'avocat investi au plus haut point à réussir son ascension sociale, Mme d'Arlange vieille aristo refusant l'évolution de la société et de ses meours, M. Taburon , Juge d'instruction intègre et dévoué à la justice et surtout le personnage qui a retenu toute mon attention, le Comte de Commarin. Incarnant l'aristocratie française, décimée mais toujours debout, véhiculant coûte que coûte les valeurs de noblesses, de courage, de respect et de droiture. Cette aristocratie qui n'a rien de mondaine ou de people, cette élite pleine d'abnégation pour la France et son histoire.
Avec ses personnages, Gaboriau tisse une histoire ou s'entrecroisent les mondes de la justice, de la police, de la noblesse autour de cette affaire Lerouge.
L'auteur nous balade durant 300 pages, nous donne des élements qui s'effritent au chapitre suivant,et par un habile tour de passe-passe retombe sur ses pieds pour nous donner une fin savoureuse.
Le style de Gaboriau est jouissif au possible, et cela m'amène à cette réflexion, comment en est on arrivé de nos jours à devoirs placés des meurtres atroces pour tenir en haleine le lecteur. Point de morbidité exagérée chez Gaboriau, point de tueur en série caché derrière les pages, non rien de tout ça, mais quelque chose de beaucoup plus fin, de la psychologie, de la finesse et du style.
Une belle découverte.
Les ouvrages de Emile Gaboriau sont libres de droits et disponibles ici :
www.gutenberg.org/browse/authors/g#a172
J'avoue sans ambages que la nouvelle-calédonie m'est complétement étrangère, son histoire, ses moeurs, ses habitants, voir même sa géographie eloignée de mon centre géographique ne me disent rien. A part les souvenirs anciens des événements d'Ouvéa, et les frasques footbalistiques et people de M. Karembeu, cette communauté d'outre mer ne m'évoque rien.
A.D.G s'est emparé de l'île, des îles devrais-je dire, pour nous proposer un grand livre, peut être son plus grand.
Le récit au milieu du 19 ème siècle d'une bande de bagnards baudelériens, couards, courageux ou farfelus.
A.D.G utilise ces " chapeaux de paille " pour tisser une histoire faite d'héroisme, de souffrance, d'amour, d'injustice, de fuite, dévasion et de repentir.
La vie du bagne, son installation, ses moeurs, ses routines, ses gardes chiourme sadiques au fouet lest, l'administration pénitentaire et ses prisonniers sont la trame de ce magnifique roman.
A.D.G a eu la grande finesse dans son style si particulier de me faire découvrir les Kanaks de l'époque. Les rivalités tribales, le cannibalisme, la religion de ces peuples du bout de monde sont ici relatés avec courtoisie sans arrière pensée colonialiste.
C'est une tranche d'histoire bien documentée que nous livre A.D.G, star des auteurs de polars des années 70 et 80. Ayant été menbre du FN Calédonien, il a par conséquent une connaissance aiguisée de l'archipel, cela lui aura aussi valu d'être cloué au pilori par l'intelligenstia littéraire qui préférera vénérer Manchette.
Il est regrettable que A.D.G ne soit plus lu de nos jours ou si peu. Indéniablement un auteur qui avait des choses à raconter et d'une belle manière.
Pour faire connaissance: