dimanche 13 janvier 2019

Maurice GENEVOIX La forêt perdue.






Il y a peu, j'ai intitulé ma critique de " la dernière Harde" Esthétisme cynégétique.
La reprise partielle du titre de cette critique se veut comme un clin d'oeil. Autant " La dernière harde" fait le récit de la beauté magnifiée des animaux et des hommes au sein de la forêt, autant " La forêt perdue" y ajoute une part de rêves, de légendes. La forêt perdue a été écrit 30 ans après la dernière harde, et pourtant. Un écho résonne au coeur des pages et se réverbère tout au long du récit. Le cerf, pivot central du roman, incarne par un charisme absolu le roi de la forêt. Les deux principaux protagonistes sont une résurgence bicéphale du Piqueux. Il y a cette course effrénée au sein de la forêt mystérieuse, idéalement incarnée par Waudru, sympathique personnage évanescent, qui confère au récit sa part d'onirisme. On l'imagine très bien au détour d'un hallier, le corps noueux, les jambes torses, les oreilles moussues proférant ses mises en gardes. Il y a Florie, incarnation du printemps et de la vie jaillissante qui s'épanouira en femme vertueuse, compréhensive de la nature, à l'opposé des mâles dominateurs aveuglés par leurs désirs.
Maurice Genevoix nous met en garde à la première ligne de la première page : " L'histoire que voici, je l'ai rêvée à partir d'un mot."
Et ce mot se dédouble, se déroule, se métamorphose en phrases d'une beauté subjuguante. Ce livre est un poème. Une histoire d'amour entre les mots et le lecteur. Le rythme est haletant, entreprenant, on suit les protagonistes avec enthousiasme dans les futaies, au travers des ronciers. On saigne avec eux, on retient son souffle, on est saisi par l'apparition soudaine de Waudru.
Impossible pour moi de faire une critique sans avoir le sentiment de trahir l'auteur. J'avais pris une claque il y a 15 ans avec " Zone érogène" de Djian. La deuxième vient d'arriver et cela fait 15 ans que je tends l'autre joue. Ce livre m'accompagnera encore longtemps, je pense le relire, ce que je n'ai jamais fait quant à présent pour aucun livre. Une merveille, un must, un vade-mecum, une bulle d'oxygène, un songe forestier toujours à portée de main... 

Critique de 2008

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