mardi 15 février 2011

Le crabe sur la banquette arrière de Elisabeth Gille



Ce livre court est aussi fulgurant que réjouissant.
Enfin un livre qui traite du cancer sous un autre aspect que celui de la morbidité, de l'empathie et de l'apitoiement.
L'auteur parvient malgré le peu de pages à tout dire en peu de mots, elle va là où les autres n'ont pas su aller, à l'essentiel.
Atteinte d'un cancer, la narratrice évoque au fil des pages toutes les situations que l'on rencontre qu'en on est en proie à cette maladie.
Des maladresses du corps médical:

Le vieux monsieur:
- Bon, eh bien,  si ça vous va, je vous opère le 2.
La malade:
- Parce que vous êtes certain que c'est un cancer?
Le vieux monsieur:
- Ca, il n'y aucun doute, ne vous en faites pas, de nos jours on les guerit à cinquante pour cent.
La malade :
(pensant au cinquante pour cent qui ne guérissent pas) :- C'est une statistique très encourageante. Merci, docteur.

Le passage avec le patron qui va licencier la personne est criant de vérité.
Le patron :
- Je passe une coloscopie dans deux semaines.
La malade :
- Mais vous avez des raisons de craindre quelque chose?
Le patron :
- Mon arrière-arrière-grand père est mort d'un cancer du colon. J'espérais que mon frère en hériterait. Mais il vient de passer le même examen et il dit qu'il n'a rien. C'est bien ma chance.

On voit ici que l'auteur met en avant toutes les faiblesses et les lâchetés de ceux qui environnent le malade. Les politesses qui tournent à la bourde, je pense à la scène des cheveux. Les amis qui téléphonent à tout bout de champ. Ceux qui sont certains de détenir la vérité.

Pleins de moments d'ironie traversent comme des météores le livre. On sait que les parents de l'auteur ont disparu dans les camps de la mort. A un moment elle hésite entre incinération et inhumation et se dit à elle même que sa famille a déjà donner pour l'incinération ... On appréciera ou pas.
Caustique, cynique, criant de vérité et bourré d'humour.
A mon humble avis, l'un des livres les plus courts et les plus instructifs sur le malade face au cancer. Surtout il permet de décomplexer les proches souvent plus génés que le malade.  Il fait sourire et rien que cela vaut la peine de le lire.
Là où un Fritz Zorn et son " Mars" analyse les raisons psychanalytiques et sociales du cancer, où  Emmanuel Carrère avec " D'autres vies que la mienne" rend compte avec justesse de destins brisés, où Pascale Kramer avec " Un homme ébranlé" réussi un joli tour de littérature et montre un aspect froid et glacial d'une facette de la maladie, Elisabeth Gille réussie elle a faire un grand livre avec simplicité et classe. Cette classe de ceux qui savent, qui endurent et qui gardent avec dignité le sourire et crache leur bonne humeur et leur ténacité à la figure du crabe. Malheureusement pour elle, le rideau est tombé.

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